Mort et inhumation d'Honoré Daumier

Depuis 1872, la vue de Daumier baissait au point de le gêner pour peindre. Il était atteint dans un organe essentiel à l’exercice de son art, comme Beethoven l’avait été dans l’exercice du sien. Mais Beethoven devenu sourd à trente ans continua à composer, tandis que Daumier, quasiment aveugle, ne pouvait plus peindre. En 1878, il subit une intervention chirurgicale qui échoua. Le 8 février 1879, il fut terrassé par une hémorragie cérébrale dont il mourut le 11, entouré de sa femme et de ses amis les frères Daubigny et Adolphe-Victor Geoffroy-Dechaume.

Il avait exprimé le vœu d’être enterré civilement, ce qui poussa l’Eglise à refuser le drap mortuaire qu’il fallut donc se procurer à Paris. Ce ne fut pas la seule manifestation de mauvaise humeur des milieux réactionnaires. L’Etat républicain ayant pris à sa charge les frais d’inhumation, certains journaux crièrent au scandale. Or, ces frais se résumaient à 12 francs de l’époque !. L’enterrement eut lieu le 14 février. Ce jour-là, de nombreux artistes et hommes de lettres débarquèrent à la gare de Valmondois pour accompagner Daumier à sa dernière demeure. On y trouvait notamment le caricaturiste Carjat, l’homme de lettres Champfleury, les frères Karl et Bernard Daubigny le critique d’art Philippe Burty, le peintre Jules Dupré, le photographe Nadar. Ils  gagnèrent la maison de Daumier où était déjà Adolphe-Victor Geoffroy-Dechaume.

Le cercueil couvert de fleurs, porté par quatre hommes et suivi d’une foule nombreuse, traversa Valmondois en deuil. Il semble que la tombe se trouvait en haut du cimetière, à droite, non loin de l’actuel caveau de la famille de Provigny.

Carjat, Champfleury et le maire de Valmondois, M. Bernay, prononcérent des discours.

Mais le petit cimetière à flanc de coteau ne devait pas garder longtemps son illustre mort. En effet, Daumier, dans ses dernières volontés, avait exprimé le vœu de reposer au Père Lachaise près de ses amis défunts Corot et Daubigny.
C’est le 16 avril 1880 qu’eut lieu la translation des cendres de Daumier. La cérémonie a été décrite par au moins deux journaux de l’époque : Le Voltaire qui lui consacra quelque 90 lignes, et L’Evénement seulement 20 lignes. Tous deux sont d’accord sur le talent de Daumier (l’un parle de « grand artiste », l’autre de « grand dessinateur »).Mais on se demande si les journalistes ont assisté à la même cérémonie. « Le Voltaire fait état d’une « foule aussi nombreuse que sympathique » tandis que L’Evénement affirme qu’ « il y avait peu de monde au cimetière du Père Lachaise ». La Préfecture de police estime à 200 le nombre des assistants. Les deux journaux n’ont pas même en commun la liste des personnalités présentes. Pierre Véron, journaliste au Charivari, prononce un discours devant la tombe de Daumier et n’est pas même cité par L’Evénement. Etienne Carjat prononce aussi un discours  que le journaliste de L’Evénement ne semble pas avoir entendu.

Il y avait là aussi les amis proches tels que Adolphe-Victor Geoffroy-Dechaume, Karl Daubigny, les peintres Louis Steinheil, Charles Frère , Auguste Boulard et Eugène Lavieille ; les sénateurs Peyrat et Corbon ainsi que d’autres personnalités de cette époque, dont l’histoire n’a pas retenu les noms.

On s’était réuni rue de la Roquette, chez le marbrier auteur de la pierre tombale, toute simple, de 2m x 0,9. Conformément à sa volonté, Daumier fut inhumé non loin de ses amis.
Après Véron et Carjat, quelqu’un de Valmondois (vraisemblablement le maire, M. Bernay) adressa des paroles d’adieu à l’illustre Valmondoisien.
Mme Daumier survécut une quinzaine d’années à son mari. Elle mourut à  l’hospice de l’Isle-Adam. Elle fut inhumée le 14 juin 1895 dans la même tombe que Daumier.

On peut lire sur la pierre tombale :

« Daumier Honoré Victorin
Né à Marseille en 1808
mort à Valmondois (Seine-et-Oise)en 1879

Madame Daumier
Née Marie Alexandrine Dassy - Paris 1822
L’Isle-Adam (Seine-et-Oise) 1895

Peuple, ci-gît Daumier
l’homme de bien,
le grand artiste,
le grand citoyen »

Marcel Mercier